Mouflons du Haut Languedoc, mes amis

Pendant dix-huit ans, j’ai conduit les vacanciers de l’été sur les chemins du Haut Languedoc, les sentiers des massifs du Caroux et de l’Espinouse, en montagne magique. Dix-huit années durant lesquelles les rencontres avec des mouflons se sont multipliées, sur le plateau du Caroux et partout ailleurs sur cette superbe montagne, sur ses pentes et sur ses crêtes comme dans ses vallons et ses gorges les plus encaissées.

Chaque fois qu’il nous a été donné de rencontrer et d’observer ces animaux, en quelque circonstance que ce soit, l’émerveillement a fait son œuvre. Un enchantement permanent, l’immense plaisir d’être spectateur de la vie sauvage, ne serait-ce que durant une poignée de secondes, souvent davantage. Le partage d’émotions bien réelles, nous le devons aux mouflons, seigneurs hiératiques de la montagne du Haut Languedoc, rois de ses sommets.

Leur beauté, leur élégante nonchalance et leur capacité à considérer avec indulgence (innocence ?) l’impudence humaine en font des hôtes bien exceptionnels de cette montagne du Haut Languedoc.

Puissions-nous toujours considérer les mouflons comme des compagnons, des amis auxquels aille toujours notre respect. Un rêve, désormais ? C’est possible. Dames cupidité, vanité et stupidité, rimant si bien ensemble, souvent indissociables, faisant le lit d’une culture bien particulière dans certains milieux sociaux, se transforment en autant d’armes tournées contre eux en certaines saisons de chasse devenant bourses aux trophées.

JMH

Déraison et raison

Accompagner des touristes en montagne ne permet guère de se consacrer, en même temps, à la photographie animalière. Gérer un groupe, lire un paysage ou décrire un végétal constituent autant d’activités généralement incompatibles avec ce type de recherche photographique. Un exercice à pratiquer plutôt en solitaire ou à quelques-uns, associés dans la même démarche.

Des photos de mouflons du Haut Languedoc, j’en ai bien prises quelques-unes mais sans jamais leur trouver suffisamment d’intérêt, principalement technique, pour les publier ici ou ailleurs. Un dilemme ? Surtout une sorte de passage à vide, une grosse paresse après des centaines d’accompagnements touristiques sur la montagne.

Pourtant, c’est tout de même quelque chose que de photographier des mouflons… En Haut Languedoc, c’est même quasiment incontournable pour quelqu’un que le déclic démange ! Mes propres batteries rechargées, j’allais m’y employer quand j’ai rencontré Didier et Patricia Ladry.

Le Caroux s’est ouvert

Venant de Belgique, Didier et Patricia Ladry ont, courant mai 2018, jeté leur dévolu sur la montagne du Haut Languedoc pour tenter d’y photographier des mouflons. En quête de renseignements et orientés par Marie-Noëlle Magnaldi, leur hôte de Douch, les deux photographes animaliers amateurs m’ont contacté.

Les résultats de leurs travaux de mai 2018 ont été publiés la même année sur https://montagne-hautlanguedoc.com/. Depuis, une relation amicale s’est établie entre nous.

Déçus par les conditions météorologiques de cette période et, faute de temps, par une connaissance trop approximative du terrain, Didier et Patricia Ladry ont décidé de récidiver en mars 2020, juste avant l’instauration du confinement pandémique du 16 mars.

Pendant une courte semaine, le massif du Caroux s’est alors davantage ouvert à eux. Profitant de la mansuétude du ciel, les deux photographes ont pu arpenter la montagne et, il fallait un peu s’y attendre avec ce début de bonne pratique du massif, les mouflons du Haut Languedoc ont répondu aux sollicitations des objectifs. Les photos sont là !

Didier Ladry, photographe de rencontres

« Je me suis intéressé assez tôt à la photographie animalière, développant moi-même mes clichés, mais, pour un amateur limité en temps et en moyens financiers, l’argentique était peu adapté aux prises de vues en milieu sauvage. Trop sombre, trop loin … Je me suis contenté de l’observation aux jumelles jusqu’à ce que la photographie numérique apparaisse.

« À partir de l’année 2005, je suis donc revenu à la photo. Mon épouse Patricia a choisi, elle, la vidéo. Et nous avons élargi nos horizons à la montagne, en France (Écrins, Vanoise, Vercors…), en Italie (Abruzzes) puis en Slovénie, en Croatie et en Tanzanie.

« Comme nous sommes toujours en séjours limités dans le temps et que nous privilégions de rencontrer les animaux plutôt que de les mettre « en boîte », nous faisons essentiellement de la billebaude aux heures les plus favorables, bien conscients que nous prenons le risque de devoir photographier ou filmer à des distances plus grandes, tout en souhaitant éviter de rentrer bredouilles, surtout si plusieurs heures d’approche sont nécessaires pour atteindre une zone d’observation. C’est particulièrement le cas dans les Abruzzes. À partir du moment où nous avons localisé un point de passage régulier (par exemple, le Rieu Trot sur le Caroux, pour les mouflons du Haut Languedoc), nous y retournons systématiquement et nous y installons pour de longs affûts. Hélas, ceux-ci sont souvent infructueux, les animaux ayant justement décidé de changer d’itinéraire ou un vent capricieux nous ayant trahis…« 

Une tente pour l’attente

« S’agissant d’affûts, nous disposons de divers matériels de camouflage et d’une tente que nous utilisons assez peu. Nous pensons, en effet, qu’une installation temporaire de cette tente d’affût effraie les animaux. En la laissant plusieurs jours au même endroit, une habitude peut se créer. »

D’où cette anecdote particulièrement savoureuse : « Une fois, et en dépit de notre présence à l’intérieur, un jeune ours n’a pas hésité à pousser la porte de cette tente pour voir s’il n’y restait pas quelques pommes à savourer. Pendant trois jours, nous avions jeté des morceaux de pommes dans une prairie et, en ce court laps de temps, les ours nous avaient associés à la distribution de cette manne providentielle ! Un mouvement vers lui l’a fait fuir à toutes pattes … jusqu’au premier buisson dans lequel il s’est installé pour mieux nous observer ! Une situation exceptionnelle tant les ours requièrent un affût dans des conditions particulièrement rigoureuses. Seul un jeune qui vient de se faire chasser par sa mère vers l’âge de 18 mois a pu faire preuve d’autant d’insouciance… »

En photographie animalière, Didier Ladry utilise quasi exclusivement un boîtier Canon 5D Mark III avec un objectif 500 mm/f4, éventuellement complété par un convertisseur 1.4x : « Pour la faune, c’est la garantie d’une très belle qualité d’image, notamment avec l’obtention de ce fameux bokeh. Je dispose également d’un objectif 100-400 mm mais la différence avec le 500mm est flagrante. Grâce à un harnais Cotton Carrier, je me balade des journées entières en portant le boîtier 5D Mark III et l’objectif 500 mm (+/- 4,2 kg) sans fatigue pour mes cervicales. Même en montagne. Ce harnais permet également d’accrocher une paire de jumelles à la ceinture (des Swarovski 10*56, remarquables de luminosité, dont le poids est de 1.2 kg). Le système d’attache permet un décrochage immédiat. »

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